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Malgré cette drôle de météo, ce sont les vacances d’été qui arrivent pour les élèves allemands et polonais qui viennent apprendre la langue du voisin chaque mardi soir à la Turmvilla. Une bonne quinzaine de personnes, la plupart de Bad Muskau ou de Łęknica, sont venus ce soir pour leur dernier « cours ».

Un cours pas vraiment comme les autres : tout le monde est déjà attablé quand je reviens de la mine à ciel ouvert de Nochten. Les participants, joyeux convives , fêtent leur départ en vacances ! Ambiance décontractée : on lève le verre en l’honneur de Christophe et on chante. C’est qu’en Pologne, la fête des prénoms est tout aussi importante qu’un anniversaire. Une petite vodka puis une deuxième : les discussions vont bon train, tantôt en allemand, tantôt en polonais. Soupe de champignons, pâtes au soja aromatisé ou cornichons de la région : chacun a amené de quoi festoyer. Les dames polonaises chantent à tue-tête des chansons du pays (1, 2). On parle de tout et de rien, la bonne humeur est au rendez-vous.

Une des deux dames jumelles de Łęknica me raconte un peu l’ambiance du bazar. C’est qu’elle parle vraiment vite ! Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, mais il paraît qu’avant, le bazar était bien plus grand, on gagnait bien plus et les Allemands faisaient la queue devant le poste frontière pour venir acheter en Pologne. Mon voisin de table, Micha, venu de Dresde retrouver sa mère participant au cours, me parle lui des festivals punks qu’il organise à travers l’Allemagne, des denrées jetées par les supermarchés qu’il récupère pour les redistribuer. Et Gabriele, sa mère, me bombarde d’informations toutes plus intéressantes les unes que les autres : de l’organisation des femmes chefs d’entreprises allemandes et polonaises au sein du Muskauer Salon, de la fête des 555 ans de la ville de Bad Muskau le 15 septembre prochain, du développement de sites internet adaptés pour les handicapés.

Bref, une soirée bien sympathique à l’issue de laquelle une journaliste du Sächsische Zeitung venue au cours de langue avec son ami polonais me propose de se retrouver le lendemain matin pour un article.



Triste mine? Ne croyez pas que je me sois laissée abattre par la première averse à me surprendre sur le chemin! Non. Il s’agit plutôt de cette rue à la sortie de Weisswasser, au sud de Bad Muskau, cette rue qui devient impasse (1, 2) et mène au « point de vue » donnant sur l’exploitation de lignite à ciel ouvert de Nochten comme sur les cheminées de Boxberg qui, longtemps, furent le symbole de la plus grande centrale électrique d’Allemagne.

« De la lignite vient l’énergie », scande l’entreprise exploitante Vattenfall. Et de la mine vient le travail pour ceux de la région. Mais aussi bien d’autres préoccupations comme l’engloutissement de plusieurs villages pour agrandir ce trou déjà immense. Plus de 3300 hectares.

C’est en contemplant l’ampleur de la chose que j’en suis arrivée à rencontrer Wolfgang Martin, venu réparer la roulotte- restaurant près du « point de vue ». C’est que son épouse va bientôt devoir fermer le restaurant qu’elle tient à Mühlrose, un des cinq villages amenés à disparaître dans le grand trou. « Il faut bien aller de l’avant, penser à l’avenir », me dit Wolfgang. Et d’ajouter que normalement sa femme pourra tenir le restaurant du centre d’informations que Vattenfall compte ouvrir prochainement près du « point de vue ».

Wolfgang Martin est chroniqueur de la région, employé par la commune de Trebendorf, un autre village en voie de disparition. « Tout a commencé en 1994, lorsque le land de Saxe a décidé d’agrandir le champ d’exploitation », m’explique Wolfgang. « La discussion du land avec les communes a échoué, mais à la fin, c’est la décision de l’état fédéral qui s’est imposée d’en haut : il fallait agrandir l’exploitation. » Aux dépens des communes comme des forêts ancestrales avoisinantes connues pour leur biosphère et chênes plusieurs fois centenaires, autrefois classées réserve naturelle…

Wolfgang se rappelle encore de l’ambiance quand, en 1999-2000, Vattenfall a pris contact avec les communes pour décider du déplacement des habitants. « Au début, les habitants se sont sentis pris au dépourvu. Puis il leur a bien fallu se résigner. » Depuis 2004, Wolfgang fait partie du conseil municipal de Trebendorf : « Vattenfall offre de coquettes sommes à ceux qui acceptent de quitter leur demeure. La plupart essayent d’en tirer le maximum. » Ce qui semble inquiéter Wolfgang, c’est surtout le risque de voir une fois de plus la région se dépeupler. Et surtout : « une partie de Schleife devra être évacuée. Or beaucoup de Sorabes y vivent. Schleife est le centre culturel sorabe de la région. » Et de m’expliquer que les Sorabes sont arrivés dans la région en l’an 600 avant Jésus Christ et qu’ils entretiennent aujourd’hui encore leurs propres langage et culture. « S’ils sont évacués, ils risquent de s’éparpiller et leur culture de peu à peu disparaître. » Un brin nostalgique, Wolfgang cite une devise de la région : « Le bon Dieu a créé un chez soi pour les Sorabes et le Diable y a enfoui de la lignite.”

Un peu plus loin, un employé de la mine qui avait écouté la conversation me rattrape pour me dire que lui aussi trouve cela dramatique. Mais il ne peut rien dire, car c’est le travail qui compte avant tout. Et Vattenfall est l’un des principaux employeurs de la région. « Et puis on gagne bien. » Il se sent bien gêné vis-à-vis des habitants obligés de déménager. Mais d’ajouter que c’est peut-être mieux de partir car même lui, qui habite dans un HLM au sud de Weisswasser, juste avant la rue qui devient impasse, n’en peut plus d’entendre le bruit des excavateurs, nuit et jour.

L’année prochaine, les premières maisons devront déjà être évacuées. Mais avant de disparaître partiellement dans l’immense trou, Trebendorf fêtera ses 625 ans les 7 et 8 septembre prochains: Wolfgang sera présent et toute l’histoire des lieux y sera contée aux plus curieux !



juil
23
classée sous (parc de Muskau, Łęknica, Bad Muskau, bazar, Allgemein) de Charlotte le 23.07.2007

Tout le monde m’en a parlé, du bazar de Łęknica, côté polonais. C’est qu’on peut difficilement en faire abstraction. Des bus entiers viennent y décharger leurs consommateurs allemands, des familles arrivent en train pour y passer le week-end. Le tout à dix minutes à pied du parc de Muskau. Incroyable! Ca aussi, c’est la frontière.

On m’a dit “attention à votre sac”, on m’a dit “attention à ne pas vous perdre”, on m’a dit “attention à ne pas vous faire entourlouper”. Et moi, je n’ai ni perdu mon sac ni moi-même et n’ai rien acheté. Apparemment, le lundi après-midi, le bazar n’est pas le même.

Impossible d’acheter des pommes et des tomates à l’unité: les marchands m’ont offert les denrées en rigolant. De quoi se demander dans quelles proportions les Allemands viennent faire leurs courses… Finalement, je me décide à manger une “kiełbasa”. Et le dialogue s’instaure avec les Polonais tenant le stand. En polonais, allemand et charabia. Bref, ces monsieur dames m’expliquent en rigolant que le lundi, ce n’est pas très bon pour les affaires: du 20 euros en moyenne. Contrairement au dimanche où leur stand gagne autour de 120 euros. Oui, le bazar est grand, plus de mille petits magasins de taule… mais avant, c’était encore plus grand et ça gagnait mieux. Enfin, tout de même, beaucoup viennent encore travailler ici et certains font même deux heures de route pour ça. Dur dur…

Puis il en va de la France, de l’élégance des Parisiens etc etc. Provinciale, j’ai tenu ma langue et poursuivis mon chemin…



C’est Christoph - qui a jusqu’au 30 juillet 17 heures pour achever son mémoire sur les rencontres de jeunes germano-polonaises - qui m’a proposé de jouer le guide dans le parc voisin. Au grand dam de toutes celles et ceux qui ne cessent de lui recommander de rester à son bureau…

Et ma foi, Christoph est un bon guide! De point de vue en point en vue, il me traîne en vélo, moi et ma cheville un peu endommagée. Le Riesenberg, point culminant local, reste caché sous les nuages, mais plus loin, le château de Bad Muskau se révéle dans toute sa splendeur. C’est le côté allemand du parc de Muskau. L’immense parc paysager réalisé au XIXème sur ordre du Prince Hermann von Pückler s’étend toutefois de part et d’autre de la Neisse, comprenez de la frontière germano-polonaise (1, 2).

Et c’est peu avant sa fermeture, sur le coup de vingt heures, que nous franchissons celle-ci. Christoph me fait remarquer en passant que les horaires d’ouverture ne sont affichés que du côté allemand… puis m’entraîne plus loin, arpentant les terrasses du parc de Muzakowski, côté polonais cette fois. On remarque la volonté d’élaborer un paysage idéal. Plus loin, un énorme pont de pierre invite à la contemplation. Une partie de cache-cache est également possible… mais je n’en dirai pas plus.

A chacun de découvrir soi-même ces quelque 560 hectares inscrits depuis 2004 au patrimoine mondial de l’UNESCO.



La Turmvilla, je pourrais vous en parler et reparler! J’y suis restée une, deux, puis finalement trois nuits, renouvelant mon “permis de séjour” chaque matin auprès d’Anett. C’est qu’on se sent bien ici, on a du mal à partir, l’équipe est si sympathique…

La Turmvilla, à Bad Muskau, tout le monde connaît. “C’est le centre pour les jeunes, là-bas, près du parc de Muskau”, me dit une vieille dame sur la place du marché de la petite ville frontalière. C’est que le centre culturel a une histoire peu banale qui commence en 1990, peu après la chute du Mur. Les jeunes du coin se sont alors rassemblés dans l’Orangerie du château: tout semblait possible, la Terre allait tourner autrement! Jusqu’à ce qu’on leur demande d’aller voir ailleurs… Apparemment une tradition dans la région, avec le prince Hermann von Pückler qui avait déplacé les fermiers pour établir son parc aujourd’hui si admiré, avec Vattenfall qui fait disparaître des villages pour agrandir ses mines à ciel ouvert. Toujours est-il qu’après maintes négociations, les jeunes révolutionnaires obtinrent la permission d’occuper la Turmvilla et la Villa Caroline, les résidences alors vides qui accompagnaient au XIXème siècle les bassins des cures thermales. Un bail de 99 ans fut conclu, réconciliant partisans et opposants du “centre pour les jeunes”. Tout fut rénové et aujourd’hui, une pension à ambiance familiale a pris le relais.

Mais ce n’est pas tout: dans les bureaux, derrière la réception, une petite troupe s’agite pour faire du “germano-polonais” à qui en veut: rencontres de jeunes , formation de multiplicateurs, etc. Le tout dans la joie et la bonne humeur, bien sûr!

Le reste est à découvrir dans le livre d’or, dans la salle où chaque matin le petit-déj m’est gracieusement offert…



Rendez-vous est donné à neuf heures sur le pont reliant le centre de Görlitz et de Zgorzelec. Une vingtaine de jeunes allemands et polonais sont venus tout frais tout équipés pour démarrer ensemble cette nouvelle aventure. Eux aussi remontent la frontière Oder-Neisse. Mais bien plus sportivement que le Veloblog: 50 à 70 kilomètres par jour sont au programme. C’est qu’il faut bien que jeunesse se fasse!

La veille au soir, les organisateurs de l’association Wir-My réglaient encore les derniers détails. Janusz, venu de Francfort sur l’Oder-Słubice a rejoint la troupe pour assurer les traductions pendant le périple. Le frigo et les sacs des participants sont chargés dans le transporteur conduit par Klaus; les participants mettent leur casque. Tout est prêt, un petit discours et le départ est sifflé!

En cette première journée, le ton est donné. Sortir sa carte d’identité, la ranger, la ressortir. Les jeunes passent les postes frontières les uns après les autres: de Görlitz à Zgorzelec (1), puis le nouveau pont de Pieńsk (1) , le poste de Podrosche/Przewóz et enfin celui de Bad Muskau. Certains avouent ne plus trop savoir de quel côté ils sont! Et c’est le but: montrer que la frontière est avant tout arbitraire.

Micha, précurseur du périple, a lui-même fait l’expérience de voyages multinationaux dans des régions frontalières pendant sa jeunesse. Et l’enthousiasme, l’ouverture d’esprit qui en résultent, c’est bien ce qu’il compte transmettre à ces jeunes embarqués dans l’aventure.

Les participants viennent des environs de Görlitz-Zgorzelec. Allemands ou Polonais et âgés de 14 à 18 ans en moyenne, ils ont en général eu vent du projet cycliste dans leur école. Rien de plus pratique pour se rappeler ensuite ensemble des bons souvenirs et autres moments de fatigue. Il leur suffira de passer un pont, comme ci ou comme ça, pour se retrouver d’un côté ou de l’autre de la frontière… Au grand bonheur des organisateurs (1, 2)!

Ces derniers leur ont concocté des étapes culturelles sur le chemin. En cette première journée, il leur fut entre autres expliqué ce qu’il est advenu de la commune de Tormersdorf, rayée de la carte à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Puis, quelques kilomètres plus au nord, à Rothenburg, le pasteur de Martinshof leur a présenté succinctement l’histoire des lieux. Un centre pour handicapés partiellement évacué sous le IIIème Reich, puis un ghetto juif rassemblant quelque 700 personnes dont une grande majorité fut ensuite envoyée dans les camps de concentration. Après la guerre, le centre fortement endommagé fut remis à l’Eglise protestante. Aujourd’hui, Martinshof accueille de nouveau des handicapés comme des personnes âgées et se souvient.

L’histoire de la région est ainsi contée aux jeunes cyclistes, au fil des kilomètres et toujours en deux langues, Janusz assurant la traduction en allemand comme en polonais. La langue de l’autre est plus ou moins bien maîtrisée: les uns ont grandi dans une famille binationale, les autres parlent une langue à la maison, une autre à l’école. Et certains ne maîtrisent que leur langue maternelle. Mais rien de grave, au pire, on peut toujours recourir à l’anglais et faire de grands gestes pour se faire comprendre!

A la fin de la journée, quelque peu épuisés par les 70 kilomètres parcourus, tous se réjouissent du barbecue annoncé (1, 2). Le ravitaillement est assuré par la Turmvilla voisine, là où le groupe passera la nuit. Mais Wojtek ne se contente pas de faire la popote: il emmène les jeunes à travers bois et leur montre les vestiges du moulin à eau de Kutschig, le long de la Neisse, à une dizaine de kilomètres au sud de Bad Muskau. Un haut lieu de détente au XIXème, aujourd’hui entièrement disparu… Le barrage à eau a lui-même disparu, mais la trempette est encore possible et les jeunes n’y échappent pas! Une paire de lunettes disparaît un court instant dans l’eau… pour ressurgir ensuite. L’ambiance est vraiment bon enfant et déjà, les uns et les autres font connaissance, en dépit des différences de langues, de vélos ou autre.

C’est certainement avec plein de souvenirs en tête que le petit groupe rejoint son premier lieu d’hébergement, la Turmvilla de Bad Muskau. Un petit journal de bord est prévu, traduit dans les deux langues. Et pour encourager l’interactivité de ce petit monde, de part et d’autre de la frontière, le Veloblog s’ouvre à la jeunesse: que chacun puisse s’exprimer, échanger impressions, rendez-vous ou autre sur le Veloblog, dans sa langue ou celle de l’autre… en recourant à la fonction “commentaire”.

Nos routes se séparent, je reprends mon rythme d’escargot, mais bon voyage à tous! J’espère croiser Klaus au volant du transporteur sur le chemin du retour. Il me racontera ainsi vos prochaines aventures le long de la Neisse puis de l’Oder…



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