Ratzdorf, c’est le village de quelque 300 habitants où nous avons fait étape, Vivien et moi. Après un peu de porte à porte pour trouver un toit, nous voici accueillies par la famille Schulze. Katrin Schulze connaît bien l’histoire du village, nous avait-on dit. Mais en fait, c’est toute une famille qui a des histoires à nous raconter. Quatre générations sous un même toit et une bonne entente exemplaire : impressionnant et séduisant ! Nous passons la soirée avec des jeunes du village, rassemblés par Katrin. On parle de pêche, du permis de conduire bien utile pour sortir du village, du service militaire ou civil à choisir après le bac, des écoles du coin qui proposent d’apprendre le russe plutôt que le polonais et encore de pêche. Quand la Pologne sera dans Schengen, ces jeunes pourront aller en bateau de l’autre côté. Mais pour pêcher, il faut un permis de pêche, en Allemagne comme en Pologne. Il n’existe pas encore d’association germano-polonaise de pêche, mais peut-être que cette jeunesse prendra la relève ? La lumière se fait rasante, le soleil descend et le vent s’apaise : début de soirée idéal pour découvrir l’embouchure de la Neisse, là où elle rejoint l’Oder, déjà si large. Paysage inoubliable. Ici et là, quelques pêcheurs. D’une rive à l’autre, la conversation s’installe avec l’un d’entre eux. Ca mord ? Ah oui, si j’arrive à vous pêcher… Rien de bien sérieux. Et pourtant, d’un coup, je prends conscience de l’absurdité de la situation. « Dites-moi, monsieur, vous êtes en Pologne ? » Eh oui, de l’autre côté, c’est la Pologne. A quelques brasses de là. Frontière absurde. Mais bien réelle. Si vous vous rendez à Ratzdorf, on vous racontera certainement l’histoire de ce touriste allemand qui, après s’être baigné dans la Neisse, en est ressorti de l’autre côté, côté polonais. Un pied sur la rive et hop, le voici emmené au poste par des policiers polonais sortis de derrière les buissons ! Deux jours de rétention et une amende en plus. De quoi agrémenter les souvenirs de vacances… et prendre plus au sérieux cette fameuse frontière ? A 75 ans, Irmgrad Schneider a certes les cheveux blancs, mais c’est bien tout ! Pleine de jugeotte et d’énergie, cette petite dame m’explique les activités de son association « Pro Guben » dans toute leur complexité. Un vrai bric-à-brac de bonnes idées et d’engagement ! Tout a commencé en 1994 par la rencontre d’un Anglais venu manifester contre l’engloutissement du village d’Horno par la mine de charbon de Jänschwalde (nous y revoilà !). D’un coup madame Schneider s’est elle aussi mis à remettre en question la légitimité des déserts qui s’étendent de Cottbus à la frontière : « maintenant que la réunification a eu lieu, nous pouvons nous tourner vers d’autres sources d’énergie que le charbon. » Et pour la présidente de Pro Guben e.V., il s’agit même d’un devoir pour la région : « Il n’y a plus autant d’industries qu’auparavant, la région doit renouveler ses infrastructures. Et de quoi ont besoin les habitants ? De manger, de boire et d’avoir de l’énergie, de l’électricité. » De là, la création de l’association. De là les multiples activités chapotées par madame Schneider. Un simple exemple : celui des pommes de Guben. Pourquoi devraient-elles finir sur un tas de composte alors que les habitants remplissent leurs chariots de briques de jus de pommes dans les supermarchés ? Gaspillage. Tout un système a été mis en place, invitant les fermiers, jardiniers et autres propriétaires de pommiers à déposer leurs pommes en un lieu commun. De là, les fruits sont transportés ensemble vers le pressoir et chacun peut acheter á moindre coût le jus produit. Transport en commun, réduction des émissions de CO2. Mais madame Schneider ne s’arrête pas là : pourquoi ne pas en profiter pour répertorier les différentes sortes de pommes de la région, comparer les variétés d’autrefois et d’aujourd’hui ? Un catalogue a été mis en place en 2003. Plus de 400 variétés y sont actuellement répertoriées, dont la fameuse Warraschke de Guben. L’occasion également de remettre sur pied la société des experts de la pomme, la « pomologische Gesellschaft », qui existait déjà il y a 200 ans. « Et pour la fête de la pomme, pour la fête de la ville, nous avons aussi préparé des costumes traditionnels. C’est la partie de nos activités qui nous permet d’alléger un peu le poids du quotidien. » La confection des costumes amène madame Schneider à me raconter la coopération de Pro Guben e.V. avec les habitants de Gobin. « Nous connaissons quatorze dames de Gobin, elles nous accompagnent régulièrement lors des expositions et chantent à merveille des chansons polonaises, les gens sont ravis ! ». Et de me montrer les photos d’une journée passée à Berlin, dans le quartier de Britz. Toutes ces dames s’y sont rendues en costumes d’époque : 1787 pour la floraison des pommiers, 1846 pour la première liaison ferroviaire entre Guben et Berlin, 1850 pour l’industrie du chapeau, etc. « Nous étions de vraies stars, tout le monde nous photographiait ! », dit en riant madame Schneider. Le travail entre Allemands et Polonais, entre habitants de Guben et de Gubin lui tient à cœur. « Quand les Polonais nous ont dit qu’ils aimeraient bien aussi connaître un peu plus l’histoire de leur ville, nous avons organiser des traductions pour leur petit musée », m’explique encore madame Schneider, me montrant un panneau relatant la vie de Hugo Jentsch, personnalité locale qui avait ouvert le musée de la ville en 1913, aujourd’hui côté polonais. Le travail avec les Polonais et les énergies renouvelables sont les deux dadas de madame Schneider, on le comprend vite. Fascinée, j’écoute la septuagénaire me parler des nouvelles techniques d’agriculture et de production d’électricité tournées vers la protection de l’environnement. « Nous mettons par exemple l’accent sur le brûleur de biomasse de Preschen », me dit madame Schneider. « Et nous expliquons aux fermiers de la région qu’ils ne perdent ni travail ni argent s’ils sèment des plantes à brûler. » La résonance reste encore faible dans la région. Beaucoup ont peur de perdre leur travail si la mine de charbon arrête de creuser. Mais madame Schneider ne manque pas d’énergie : tous les mercredi, de 9 à 12 heures, tout un chacun est invité dans la Gasstrasse numéro 8, à Guben pour poser ses questions, apporter ses idées et en savoir plus. Pourquoi pas aussi pour donner un coup de main à cette petite dame si dynamique qui inscrit Guben-Gubin au championnat fédéral d’énergie solaire et qui veut maintenant participer au jardin européen de la région culturelle 2013. Des 10 ans après les inondations de la région, madame Schneider n’a pas eu le temps de m’en parler, mais elle sera certainement parmi nous le 11 août prochain, à Francfort sur l’Oder-Słubice, pour nous raconter « ses petites histoires », comme elle dit. Peut-être aurez-vous à votre tour la chance de connaître cette boule d’énergie? C’est sur les recommandations de madame Geilich, responsable de l’Office de tourisme de Guben, que je me suis permis de sonner à la porte d’Andreas Peter. Et là, oh surprise, quand je raconte mon histoire de Veloblog, de rencontre avec l’habitant pour connaître la région, Andreas ne semble pas vraiment chercher le pourquoi du comment et ouvre grand sa porte. Il doit bien encore trier quelques livres datant de la RDA qu’il voudrait vendre sur Ebay, mais après m’avoir offert un café, il m’emmène de suite dans les rues de Gubin. Gubin est la partie polonaise de la ville double. Là où se trouvait le centre de la commune autrefois. Avant la guerre et la frontière. Toute une histoire que me raconte Andreas en large et en travers. Tout commence par l’incontournable Eglise de la ville et Eglise principale (Stadt-und Hauptkirche), silhouette de la ville, située juste derrière le poste frontière pour piétons. Une Fondation polonaise et une association de soutien allemande travaillent ensemble pour restaurer l’édifice. « Pas toujours facile d’intéresser les Allemands pour l’Eglise », m’explique Andreas. « Beaucoup pensent qu’elle est de l’autre côté, que c’est aux Polonais de s’en occuper. » Mais pas une raison pour baisser les bras : dernièrement, mon hôte a écrit un livre sur l’histoire du bâtiment. En allemand. La version polonaise, elle, est en cours d’élaboration. « Lorsque les Russes sont arrivés, les Allemands ont brûlé les documents compromettant dans l’Eglise. C’était en avril 1945. Le toit a disparu et les fenêtres ont fondu. » Aujourd’hui, doucement mais doucement, la cathédrale reprend forme. Mais les coûts sont élevés. Andreas me montre les restes des fortifications de la ville : une grosse tour du XVème siècle, mais aussi une porte et un pan de mur. Ces derniers ont été reconstruits il y a environ 150 ans. Mais la disparition des maisons voisines leur apporte une certaine ancienneté. C’est que même si on reconnaît encore les anciennes structures, avec par exemple les avenues passant là où se trouvait la fosse entourant la ville, cette dernière a disparu à 80% lors de la Seconde Guerre mondiale. La division de la ville qui s’ensuivit fut brutale. « C’était le 20 juin 1945, encore avant le traité de Potsdam », me raconte Andreas. « Les soldats ont demandé aux Allemands de prendre leurs cliques et leurs claques et de partir de l’autre côté de la Neisse, leur arrachant parfois leurs objets de valeur. » Et me montrer les restes du pont de bois permettant autrefois de passer la Neisse. L’histoire se laisse raconter à tout coin de rue. Là, les restes d’un monument à la gloire de l’Empereur Guillaume 1er. Là, un monument rappelant l’emplacement de la synagogue disparue en 1938, issu d’une coopération des municipalités allemande et polonaise et de l’initiative d’Andreas (1998). Et un peu partout, les traces des industries longtemps dominantes dans la ville, la fabrication de chapeaux et de tissus. Andreas me raconte la fortune de Friedrich Wilke, devenu prospère pour avoir inventé le traitement des chapeaux évitant qu’ils ne deviennent tout plats par temps de pluie – et de mimer les chapeaux tout plats. L’usine Wilke qui vit le jour dans les années 1860, a continué de fonctionner du temps de la RDA mais ne survécut pas à la réunification. Comme beaucoup. « Il y a autour de 20% de chômage dans la région, mais c’est sans compter tous ceux qui sont partis chercher du travail ailleurs », commente Andreas. Après la Seconde Guerre mondiale, un des gros employeurs de la région était l’usine de fibres chimiques. Quelques 7200 personnes y travaillaient en 1989, m’apprendra par la suite la 85ème question du petit quiz sur la ville offert par Andreas. Un accord entre Guben et Gubin permettait aux Polonais de venir travailler à l’usine en bus. Un geste de Wilhelm Pieck, le premier président de la RDA, aux habitants de Gubin, où on peut aujourd’hui encore admiré la façade toute verte de sa maison, non loin d’un poste de police abandonné. Mon guide est quasi incollable. C’est qu’Andreas est un passionné de l’histoire de la ville et de la région. Il écrit des livres, publie des cartes sur les environs et confectionne même des calendriers à partir d’anciennes prises de vue. Historien de formation, il a monté sa propre maison d’édition, la Niederlausitzer Verlag. C’est ce qu’il m’explique lors du dîner autour d’un verre de vin. Nous sommes attablés au bord de la Neisse, avec le kit jardin et panier pique-nique d’Andreas. Magie de la simplicité et vue panoramique. De l’autre côté, de jeunes Polonais s’essayent à la pêche. Quelques mètres plus loin sur notre droite, le poste frontière. A gauche, l’île « Schützeninsel ». Située côté polonais, un nouveau pont la reliera bientôt à la rive allemande. Un petit pas pour présenter Guben-Gubin comme une entité? Changement climatique ou non, je dois bien vous dire qu’en cette fin juillet, il pleut à torrent dans la région des mines de charbon ! L’habitant se fait rare et l’envie d’être au chaud grandissante. Mes interlocuteurs me recommandent l’ancien orphelinat de Grießen: il y aurait là des projets germano-polonais ou quelque chose comme ça. Les détails, le responsable des lieux me les donne le lendemain. Au petit-déjeuner. « L’orphelinat a fermé en juin 2001. C’était trop coûteux pour le district que d’entretenir deux orphelinats. Maintenant les enfants sont à Spremberg. » Et depuis un an, les lieux sont de nouveau occupés sous tutelle de l’association « maison de la famille » (Haus der Familie e.V.), située à Guben, un peu plus au nord. « Nous avons 24 chambres, une salle de réception, une cuisine équipée et des pavillons pour les familles », me dit Hans Kremers. Et c’est vrai que les locaux sont agréables, perdus dans ce coin de verdure. Hans Kremers, la soixantaine passée, espère que le projet va retenir l’attention des écoles comme des cyclotouristes remontant la Neisse. Un chemin direct de la piste cyclable au centre familial est déjà prévu. Mais les subventions doivent encore tombées et les sols être sondés pour vérifier qu’il ne reste pas de bombes du temps où les Russes étaient là. Et les fameux projets germano-polonais ? « C’est encore à l’état de projet », m’explique Hans Kremers. Contact a été pris avec des Allemands qui organisent des tours en vélo en Pologne… pour une poignée d’euros. S’il connaît lui-même des Polonais ? Pas vraiment, il vient de Düsseldorf. Et arrivé dans la région en 1991. « Bien sûr, je vais faire le plein de l’autre côté, mais de là à me donner le mal d’apprendre la langue… » Et d’ajouter qu’avec Schengen, ça va peut-être changer. Il m’est difficile de vous conter l’histoire d’Horno. Car ce village, je ne l’ai pas vu. Du moins pas le vrai. Seulement le nouveau. Et l’ancien, j’ai eu beau le chercher, je ne l’ai pas trouvé. Et pourtant, je ne cesse d’en entendre parler. Horno est rayé de la carte, rayé de l’Internet. www.horno.de n’existe plus. Le petit village de quelque 350 habitants s’est finalement laissé engloutir par le trou béant de la mine de charbon à ciel ouvert de Jänschwalde, au nord-ouest de Forst cette fois. En juin 2004. Ça faisait des années que les habitants résistaient, m’explique-t-on au village voisin de Grießen. Depuis 1977 très exactement. Ils ont tout essayé : lutter pour la communauté des Sorabes fortement présente dans la commune, pour l’Eglise vieille de 500 ans et pour le principe. Mais l’entreprise Lausitzer Braunkohle AG (LAUBAG) a finalement eu raison de tout un chacun. Même du couple de monsieur et madame Domain, qui restèrent propriétaires de leur maison (le café du village) jusqu’au dernier moment, au milieu de la poussière, du bruit et du désert de la mine. Une histoire pas comme les autres, et pourtant pas la première du genre qu’on me raconte dans la région. Les uns s’interrogent sur le bon sens de cette mine qui s’agrandit de Cottbus à la frontière et mange tout sur son passage. Les autres y voient avant tout des emplois. Mais personne ne se demande vraiment si c’est économiquement viable. Drôle d’ambiance. Surtout quand on sait que la conversation a lieu à Grießen, un village tout au bord de la mine. En quelque sorte sur la liste d’attente. Même si les personnes au bar de la centrale hydraulique me certifient le contraire. Tout en ajoutant qu’ici, on n’a plus le droit de construire depuis les années 90. Comme avant, à Horno. Et qu’avec le bruit, la poussière et le trou, eh bien, on ne compte plus qu’une centaine d’habitants. Effrayant. Tout aussi effrayant fut d’ailleurs le détour via les mines de charbon, à la recherche du village disparu. Des routes s’arrêtant net (1, 2), des panneaux de signalisation désuets et un trou, un énorme trou noir (1, 2). Comme au sud de Weißwasser. Comme au nord de Bogatynia. « Vous voulez voir Horno ? Mais vous arrivez avec plus de deux ans de retard ! Il n’y a plus rien ici », me répond l’agent de sécurité patrouillant autour du trou. « Maintenant, ils sont tous à Neu Horno, en banlieue de Forst. » A vingt kilomètres. Un village entièrement construit par l’entreprise pour les « déménagés d’Horno ». Des maisons parfaites mais sans âme. Photographiées sous un arc-en-ciel. La carte postale impeccable. Et pourtant, les personnes âgées y tombent comme des mouches… pour une politique énergétique sensée ? Le rêve de beaucoup… et une fois encore, un vrai coup de chance, mais cette fois au bout d’un long chemin ! C’est qu’à Forst, petite ville d’environ 22 000 habitants, on m’écoute et me regarde bizarrement quand je parle du Veloblog, de mon intérêt pour les projets germano-polonais et que je demande où je pourrais éventuellement passer gracieusement la nuit. Après deux heures de grimaces, je tente une dernière adresse. « Derrière la piscine en plein air, tournez toujours à gauche et là, vous trouverez un centre pour les jeunes. Eux aussi font des projets avec les Polonais », me dit-on. C’est ainsi que je suis arrivée à la lueur de mes lampes de vélo au centre de loisirs pour les jeunes « Kinder- und Jugenddorf ». Un peu gauchement peut-être, je me suis présentée aux personnes présentes autour du feu de camp… et c’est ainsi que l’équipe des maîtres nageurs de Forst m’a sauvée ! Tout simplement. M’offrant même le boire et le manger pour me requinquer. Et me souhaitant la bienvenue dans le Brandebourg avec la fameuse chanson de Rainald Grebe évoquant l’ambiance de la région. Autodérision. C’est que la joyeuse équipe entend bien me présenter Forst sous un autre jour ! Ils en ont bien le temps, maintenant que leur cours de natation pour jeunes allemands de Forst et jeunes polonais de Lubsko, la ville partenaire, est terminé! Pendant deux semaines, environ vingt jeunes âgés d’une dizaine d’années et venus des deux pays se sont retrouvés au centre de loisirs. Cours de natation le matin, surtout pour les Polonais qui ne savaient en général pas encore nager, puis activités en commun l’après-midi. Un beau projet qui laisse des paillettes dans les yeux à tout le monde. Seul regret : que ce genre d’expériences ne se récidive pas assez souvent. Pourtant, tout est là, les infrastructures pour loger et nourrir les enfants, un immense terrain pour planter des tentes si besoin. Mais la ville de Forst, propriétaire des lieux, attend les projets. Et les maîtres nageurs aussi ! Alors envoyer vite vos candidatures à : Kinder- und Jugenddorf Forst Paul-Högelheimer-Straße 3 03149 Forst. (Téléphone : 0356299410) Ou venez faire un détour au centre de loisirs : si vous rencontrez les bonnes personnes, impossible de repartir sans le sourire ! Vous découvrirez certainement aussi la superbe piscine découverte de Forst. Construite dans les années 50 comme lieu d’entraînement pour les athlètes de la RDA, elle fut rénovée en 2003 et ouvre ses bassins, jacousie et bassin de plongée (10m de haut) au public de mai à septembre. Et si la pluie n’est pas aussi tenace que lors de mon passage, peut-être aurez-vous l’occasion de vous rendre au jardin des roses, non loin de la Neisse. Bref, ne vous fiez pas aux apparences et cherchez plutôt « l’île aux enfants » de Forst ! Vielen Dank noch mal an “Studio 80″ für die Fotos
Bien que je ne fasse pas partie des nombreux cyclotouristes qui remontent bravement la Neisse puis l’Oder en suivant les pistes cyclables allemandes et ce jusqu’à la mer Baltique, je me permets tout de même de me faire le mégaphone de plusieurs personnes rencontrées en chemin : ce seraient les plus belles pistes cyclables d’Allemagne pour la diversité des paysages comme pour la qualité des pistes en elles-mêmes. C’est vrai que les trajets parcourus sur les fameuses « pistes cyclables de l’Oder-Neisse », comme on les appelle, m’ont enchantée. Aujourd’hui encore, les quelques kilomètres parcourus entre Gross Bademeusel et Forst furent un plaisir (1, 2). Avec en passant un mirador à chasseurs pour blogguer à tout vent ! Mais tout de même, je ne peux m’empêcher d’être un brin déçue : pourquoi les régions frontalières ne coopèreraient-elles pas pour mettre en place des pistes cyclables germano-polonaises, comprenez tantôt en Allemagne tantôt en Pologne ? Ca, ce serait l’Europe ! Les uns auront déjà découvert l’histoire de Gross Bademeusel dans le Lausitzer Rundschau : le Veloblog comme mon arrivée à Gross Bademeusel y sont présentés en une page… la célébrité au bout du chemin ! C’est en demandant à Roswitha par-dessus la barrière du jardin si elle connaissait quelqu’un au village chez qui je pourrais éventuellement passer la nuit que la porte s’est gentiment ouverte. J’avais trouvé ! A Gross Bademeusel (quelque 250 âmes), apparemment, on se connaît. Tandis qu’on me dit que les jeunes femmes du village sont en train de jouer au « Faustball » - jeu de balle au poing, le voisin Claudius me fait visiter la forge de ses parents. Des enclumes et des marteaux tous plus lourds les uns que les autres : vision d’une autre époque, la forge est maintenant fermée. Claudius ne sait qu’en faire. Pourquoi pas un musée pour les cyclistes longeant la Neisse, quelques centaines de mètres plus loin? De la région, nous en avons parlée toute la soirée avec mes hôtes Liana et Roswitha, autour d’un verre de « vin de cerises » de fabrication maison. Les curiosités locales furent bien sûr évoquées, telle l’usine à explosifs, aujourd’hui de l’autre côté de la frontière. Avec ses cheminées rétractables et ses bunkers, elle était bien cachée de l’ennemi et a fonctionné jusqu’en 1945. Aujourd’hui, il est encore possible de visiter les lieux, avec accompagnement. Et sinon, nous avons surtout parlé d’autrefois avec Roswitha, aujourd’hui grand-mère. Les temps ont bien changé depuis la RDA. Il ne suffit plus d’aller à l’école ou d’étudier pour avoir un travail et gagner sa vie. C’est différent aujourd’hui. On sent la pointe de regret dans la voix de Roswitha qui parfois s’échauffe. Encore une fois, j’entends que c’est dur de trouver du travail dans la région. Beaucoup de jeunes partent ou travaillent pour 400 euros au mois (”Minijob”), comme me l’explique Liana. Mais chez mes hôtes, la relève est assurée avec la petite Ronja qui ne cesse de demander de l’aide pour gambader. Trois générations sous le même toit, dans la joie et la bonne humeur (1, 2). Liana, la jeune maman, ne peut s’imaginer ça autrement : elle aussi a grandi avec ses grands-parents dans la même maison et l’échange entre les générations, elle y tient. Au petit-déjeuner, le papa est là. Il ne doit commencer le travail qu’en début d’après-midi. Rene est agent des douanes. Avec ses collègues, il fait les trois huit, patrouille dans la région côté allemand pour contrôler les véhicules et limiter la fraude. Souvent des cigarettes venant de Russie. Et cela continuera même quand la Pologne entrera dans l’espace Schengen. Rene prend aussi le temps de me raconter l’histoire du village dont j’apprendrai qu’il est le Maire en lisant le Lausitzer Rundschau le lendemain. Gross Bademeusel était il y a bien longtemps de l’autre côté de la Neisse. Puis les habitants ont décidé de “déménager le village” de ce côté-ci pour éviter les inondations. Un hasard de la nature, donc, que la commune soit aujourd’hui côté allemand… Vous me voyez déjà sur l’autoroute avec mon deux-roues? Enfin, un peu de bon sens! J’ai seulement dû me débrouiller face à un drôle de poste frontière. Imaginez: côté polonais, je pédale tranquillement sur la route, à l’ombre des forêts de sapins. Pas un chat. Enfin un peu de calme pour repenser à toutes ces histoires que je cueille et recueille sur le chemin. Plus je m’approche de la frontière, plus les arbres se font rares et les stations-service nombreuses. Je me sens un peu seule, entre tous ces camions. Mais le vrai hic, c’est plutôt le poste frontière. Côté allemand: la route devient autoroute. Une vraie absurdité! Problème de taille pour tout piéton ou cycliste, invité à se rendre (à pied ou en vélo) au prochain poste frontière, vingt kilomètres plus au nord (Forst) ou plus au sud (Bad Muskau /Łeknica). Moi qui voulais suivre les recommandations d’Eva et Aischa et trouver rapidement un hébergement pour la nuit… Je me décide à négocier avec les policiers de la frontière: “Il me faut juste atteindre le prochain village de Klein Bademeusel, vous comprenez, deux kilomètres… première sortie d’autoroute… “Nous parvenons à trouver un compromis: ils contrôlent l’identité des personnes et moi, je me cherche un chauffeur sympa.Finalement , je monte à bord d’un transporteur polonais qui se rend en Allemagne, le vélo dans le coffre et moi devant. Un jeune couple très sympa qui, en deux minutes, me fait manger des cornichons du pays. Super chouette! Et me voici en Allemagne, à Klein Bademeusel: opération réussie! |